Ballet de ronds de cuirs

Il me prend parfois l’envie de jouer au photographe… et par exemple de vouloir faire des “séries”… comme celle que je vais vous livrer aujourd’hui, et que j’aimerais bien approfondir tellement je trouve le sujet fascinant: la danse des salaymen qui vont au travail le matin.

Mettons nous dans le contexte: un des meilleurs lieux, Shinjuku, le quartier des affaires…

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Entre 8h30 et 9h du matin un jour de semaine…

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On ne peux rêver de meilleures conditions pour la “traque”… en avant donc!

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Le sujet me fascine à cause de l’incroyable masse en uniforme qu’ils représentent dans la société japonaise.

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Que ce soit, le matin, le soir, à midi, ou à toute autre heure de la journée, les métros, les rues, les restaurants sont bondés de salarymen (et women) en costumes cravates (ou jupe chemisier tailleur) dont la marge de liberté vestimentaire va du gris-clair au noir profond en passant par des teintes bleues sombres…

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La marge de manoeuvre pour la chemise est du même acabit: blanche, bleu très clair, jaune très clair…

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Mais soyons honnête.. la possibilité de rayures verticales peu apparentes n’est pas complètement proscrite. La marque des chaussettes (et donc le logo qui y apparait) est également laissée à la discrétion de l’occupant du costume (cet élément est d’ailleurs (sans plaisanterie cette fois çi ;) ) un des rares éléments de liberté dans les uniformes des étudiants: leur école leur indique qu’ils doivent avoir des chaussettes noires, blanches, bleues marines.. libre à eux que celles-ci arborent un petit logo Nike, Ralph Loren ou Playboy).

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Revenons à ma fascination pour ces (j’ai envie de dire “pauvres”) salarymen: entassés le matin dans des métros ultra bondés (du type Paic Citron: “quand il n’y en n’a plus, il y en a encore”… mais de quoi donc? Eh bien de l’espace bien sûr! On monte dans un wagon en tassant (au sens propre) ses congénères déjà à l’intérieur en s’aidant des parois du wagon, du plafond, de tous les points d’appui à portée de la main. On attend ensuite avec anxiété la fermeture des portes histoire d’être sûr qu’on ne se coince pas le nez, la cravate ou la serviette dans les portes (si c’est le cas un des agents de quai rappliquera au pas de course (forcément, il y a un autre métro juste derrière qui attend) pour aider à pousser les extrémitées qui dépassent à l’intérieur du wagon))…

Et bien, croyez le si vous le voulez, au bout de quelques stations comme ça, alors qu’il n’y avait déjà plus le moindre espace libre quand vous étiez monté, vous vous êtes fait repousser jusqu’au centre du wagon par les nouveaux arrivants… Paic Citron power!

Le moins rigolo est pour certaines personnes à des endroits stratégiques du wagon (comme des points d’acuponcture) qui ont accès à un anneau ou à une barre en hauteur pour se maintenir… on pourrait croire au contraire qu’ils sont avantagés, mais je vais vous expliquer la physique d’un wagon de métro (ou de train) japonais en direction d’un centre ville le matin… imaginez vous raide comme un piquet, avec en gros 20 x 30cm d’espace vertical disponible, sans le moindre point d’appui; si vous levez un pied du sol, vous ne le reposerez jamais car l’espace aura disparu (bon, là j’exagère un chouia mais vous ne m’en voudrez pas ;) )… autour de vous une cinquantaine de personnes dans une position identique et sans le moindre point d’appui non plus… Imaginez ce qui se passe quand le train freine brutalement ?…

ben voilà… les malheureux gars qui ont accès à un anneau doivent soutenir… que dis-je ?!! repousser!!! de toute leurs forces des cinquantaines de personnes qui se cassent la gueule sur eux à une accélération de 1,5g… Bien sûr, l’un d’entre eux pourrait choisir la solution de se laisser aller aussi… mais comme derrière lui les gens sans soutien sont en train de se casser la figure sur un gars 5 mètres plus loin, il se retrouve avec un vide de 50cm et s’il lâche prise… il se retrouve à terre avec une masse de 50 personnes qui lui tombe d’un coup sur le visage… donc il n’a pas le choix… il doit tenir, envers et contre tout, en priant pour que le wagon s’arrête rapidement…

Les matins où j’ai l’esprit malicieux je m’amuse à imaginer que les conducteurs utilisent cette technique pour “tasser” les gens à l’intérieur :D .

J’en suis donc arrivé à préférer être dans la masse des “pylones” qui sont dans une impossibilité physique absolue de se retenir pendant les freinages, et doivent se laisser aller avec la masse. C’en est presque reposant.. un peu comme quelqu’un face a son destin quand il n’a plus la possibilité d’intervenir: plus qu’à attendre, laisser aller et voir ce qui se passe… [docteeboh, ou l’expérience mystique des trains bondés :D ]

Je plains tout particulièrement les gens qui ont plusieurs changements: être obligé d’appliquer une stratégie dans les premiers trains pour essayer de rester le plus possible près de la porte (où de s’y mouvoir: les portes de trains s’ouvrant souvent d’un côté différent suivant les stations), de s’extirper une fois au changement, de se réinsérer dans un nouveau wagon Paic Citron…

Fort heureusement, je ne pratique ce sport (ou méditation, cela dépend donc de l’emplacement dans le wagon) que rarement car travaillant chez moi.. en moyenne, une fois par semaine.

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Le soir, ça va un peu mieux… comme les heures de sorties (ou plutôt de retour à la maison) sont plus éparpillées, le pourcentage d’humains au mètre carré dans les wagons n’est plus que le triple de celui d’un wagon français un jour de grève sans service minimum… (enfin, ça dépend quand même des lignes)

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J’adore celui là ^^:

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Comme je le disais donc, le costume cravate est vraiment omniprésent dans la ville… et s’agglomère à ses collègues au fur et à mesure de la journée: il arrive seul au travail, sort en binôme dans la journée avec le patron ou un(e) collègue pour les rendez-vous à l’extérieur, et se retrouve en bande de 3~12 le soir pour des descentes dans les nomiyas (”restaurants” où l’on ne sert de la nourriture que pour faire passer l’alcool (”nomu”, racine du nom nomiya signifiant “boire”)).

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Je crois que vous l’aurez compris: contrairement à la France ou à d’autres pays, le Japon est un pays où le costume cravate est encore un synonyme de sérieux, et une condition sinequanone au travail dans beaucoup de compagnies. 

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Et tout ça pour faire quoi?… pour surfer sur le net sur son tel. portable ou dormir dans un fauteuil moelleux avec un journal sur les genous pour faire genre… :D :

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Cet “article” est naturellement à prendre avec un certain esprit critique et de recul (ou au 1D6ème degré): le Japon du travail ce n’est pas que ça et c’est ma vision ;) .

A bientôt!

One Response to “Ballet de ronds de cuirs”

  1. mickmickyumyum Says:

    enorme =)

    encore !

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