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"JE EST UN AUTRE"
( C'est Arthur Rimbaud qui l'a dit ^^ )
Imaginons qu'un jour, allongé sur notre couche, il nous prenne l'envie
de nous poser la question "qui suis-je ?". Bien que l'on s'interroge
au présent la réponse devra, pour être pertinente, résoudre aussi "qui
étais-je ?" et "qui serai-je ?". C'est une recherche du moi profond,
de son indivisibilité, de son unité.
Quand on dit "je suis", et qu'on le répète dix secondes après, l'être
en nous exprimant cette vérité - fondamentalement discutable - est le
même que le précédent. Que des années s'écoulent, que notre caractère
et nos passions changent, la situation est identique. C'est une quête
du dénominateur commun à tous nos instants, de tous nos états : d'âme,
d'être et de conscience. Du fil conducteur de notre vie.
Une approche directe de cet être est irréalisable, les chemins de réflexions
étant nombreux et divers. Il est plus aisé de le cerner en procédant
par antithèse : de définir au mieux et le plus possible ce qu'il n'est
pas pour l'éliminer, le découper, et garder ce qui reste comme la meilleure
réponse.
Ce pourrait être une phrase Zen : "Pour savoir qui tu es, trouve ce
que tu n'es pas".
Paresseux, travailleur, enthousiaste, renfermé, rapide, lent, rêveur,
bavard, sérieux, révolté, sage, idéaliste, coquet, timide, discret,
heureux, lent, distrait, créatif, bête, professionnel, végétatif, malheureux,
motivé, collectionneur, ambitieux, excentrique, penseur, égoïste, ennuyeux,
généreux, actif, strict, conciliant...
Ne s'est on pas vu être l'un, et puis l'autre au fil de diverses situations
?
Toutes ces définitions se basent sur nos habitudes, sur nos actes antérieurs.
N'est-il pas horripilant de se trouver restreint à quelques adjectifs
qualificatifs - lors de présentations par exemple -, et d'être aliéné
à ses actes passés ?
Quand on parle de cette manière, on établit une moyenne : celle de nos
comportements les plus représentés.
Mais ce n'est pas nous. Ce serait un centre d'équilibre psychologique
: on peut se sentir bien dans sa peau en s'attachant à un comportement,
pour des raisons différentes d'autres personnes.
La moyenne de tous les points d'un carré ou d'un cercle donne un même
point unique comme résultat : leur centre. Mais cela n'aide pas à déterminer
leur forme intrinsèque.
Le "regard" de la bouche s'exprimant comme cela est-il vraiment juste
?
Mr Untel vous verra matérialiste. Pour Mme Machin, vous serez un incorrigible
rêveur. Un Japonais vous verrait fondamentalement flemmard. Un Hawaïen,
travailleur.
Nous ne sommes pas non plus le même pour ceux que l'on admire, et pour
ceux qui nous admirent.
Un même acte perçu dans les mêmes conditions par deux personnes différentes,
peut aboutir à deux jugements diamétralement opposés.
Les adjectifs sont relatifs aux points de vue, aux regards. Relatif
aux valeurs, à la moyenne des comportements sociaux fréquentés, aux
mœurs, aux coutumes ; que ce soit celles du continent, du pays, de la
ville, du milieu fréquenté jusqu'aux groupes d'amis. Notre propre regard
sur nous même est aussi influencé.
Quand c'est autrui qui parle, il le fait en fonction de ce qu'on lui
aura montré en sa présence et des comportements auxquels son œil intérieur
n'est pas aveugle.
Quand nous parlons de nous, nous sommes juges et parti.
A la fois acteur, et spectateur bien mal placé...
On prend parfois plaisir, quand on rencontre une nouvelle personne,
à se comporter différemment de ce dont on a l'habitude, à se présenter
sous un nouveau jour, sans peur de comparaison avec le passé. C'est
un plaisir de se glisser dans une nouvelle peau. Celle qu'imagine l'individu.
Qu'il va extrapoler à partir de la manière de se présenter. Notre nom,
notre visage sera désormais associé à une nouvelle identité, qui pourra
être ressentie comme une renaissance.
On peut transformer cela en jeu, et "tester" diverses personnalités
à l'occasion de rencontres éphémères. Pousser cela transformerait en
mythomane-schizophrène, et il faudrait s'attendre à de sérieux casse-tête
relationnels. Ah ! le charme des rencontres copains-parents de notre
enfance...
Il se peut que chaque nouvelle rencontre soit l'occasion d'une modification
légère de notre comportement, vers ce que l'on souhaiterait être, vers
un "moi" idéal. Attitudes qui seront ensuite plus facile à maintenir
face à de vieilles connaissances.
Pourrait-on nous définir par nos envies ? Serait-on ce que l'on a envie
d'être ?
Mais elles évoluent aussi au cours du temps. L'idéal d'aujourd'hui ne
sera pas forcément celui de demain.
Elles peuvent être paradoxales en un même instant : avoir envie d'arrêter
de fumer, et d'en griller une. Envie de maigrir, et de ce bon gâteau.
D'être en forme le lendemain, et de faire la fête ce soir. L'instant
présent est le théâtre d'affrontements continuels entre nos envies à
long et à court terme.
Elles peuvent aussi être d'une nature différente, car si certains soirs
on a envie de dormir et son contraire, c'est que l'une est raisonnée,
réfléchie, et l'autre animale, instinctive.
Un être s'exprime : "Qui suis-je ?"
En rejetant tout ce qu'il pense être, tous les préjugés, toutes les
réflexions - ce texte inclus -, toutes les habitudes, il commencerait
peut être à l'entrevoir.
L'âme est au-delà de la réflexion ; y réfléchir permet paradoxalement
de s'en approcher par la prise de conscience de ce que nous ne sommes
pas.
L'être se cache entre tout ce qu'on pense de lui.
Doc T-Bo