Blog
- Méditations - La
voix - Démoparty - La
techno - Je est un autre
LA TECHNO
Quelques mots de plus.
La techno n'est pas une musique comme les autres. Elle cherche à charmer
l'oreille et l'esprit par d'autres voies que ce que l'on a l'habitude
d'écouter. Mais son action est la même : faire plaisir à entendre, nous
entraîner en elle tel un mélomane sur du Wagner. Nous faire rêver, danser,
ressentir nombre d'émotions, permettre de s'endormir en beauté, ou de
se donner la pêche le matin au réveil; caractéristiques à l'actif d'un
grand nombre de genres musicaux.
De plus, elle touche principalement la sensibilité des jeunes générations,
au désarroi des autres qui essayent encore de juger : est-ce bien ?
est-ce mal ? est-ce de la musique ? etc... Le rock à ses débuts, est
passé lui aussi par une telle crise existentielle.
Mais les ressemblances s'arrêtent là, à la forme, au comportement du
"mouvement" lui même. Le fond quand à lui, le son est nouveau. Les sensations
et idées véhiculées sont aussi originales et différentes que celles
de ses consoeurs, et il est évident que la musique classique n'apporte
pas la même chose que la chanson française, par exemple.
La techno est une musique répétitive, c'est d'ailleurs l'une des principales
critique des détracteurs de la techno. Mais qu'est-ce qu'ils ont donc
contre la répétitivité ? Ne regardent-ils pas leur vie, qui l'est par
dessus tout ? N'écoutent-ils pas leur coeur battre dans leur poitrine
? La répétition est une composante essentielle de l'homme : vie rythmée
par le sommeil, les repas, les journées de travail, par les semaines,
par les week-ends, par les vacances, par les années, par le battement
des paupières, par la répétition de l'histoire, par le retour chez soi
le soir, par les cigarettes roulées et fumées, par toutes les actions
auxquelles on revient régulièrement. L'écoute et la création techno
implique une acceptation ou une rebellion face à cette répétitivité.
Une acceptation par l'amour que l'on a de ces rythmes, et une rebellion
grâce à la dénonciation que cela constitue face à ceux qui n'en n'ont
pas conscience. La techno étant née à Détroit - ville industrielle des
Etats Unis dont les habitants vivent au rythme des usines, du battement
de leurs presses, du martellement des vérins, des journées de travail
- , il n'est pas étonnant que ce message y soit toujours présent.
La techno est nouvelle par ses moyens, mais ancienne par l'esprit. Quelle
fut la première possibilité de l'homme pour produire de la musique,
sinon de taper, et chercher des rythmes ? Quels sont encore les instruments
de musiques les plus répandus parmi les différentes peuplades et tribus
de tous les pays, sinon les percussions ? Instruments dont l'écoute
se rapproche le plus de la techno; certaines tribus d'Afrique étant
même capables de rendre à plusieurs, des effets techniques tels que
le flanger, que l'on n'aurait cru possibles qu'avec la technologie.
Mais cela existait déjà avant que l'on apelle cela un flanger. Comme
quoi la techno est moins une nouveauté qu'une remise au goût du jour
de sauces depuis longtemps éprouvées, mais dont notre oreille s'est
déshabituée.
Il y a aussi un goût de mysticisme dans la techno. Goa, où la population
danse sur ses rythmes jusqu'au matin, jusqu'à ce qu'ils n'en puissent
plus, jusqu'à la transe… Toutes les formules religieuses rituelles sont
répétitives, hypnotiques… le chant ininterrompu des jumbee qui accompagne
le chaman dans ses voyages astraux, la répétition continuelle des mantras
bouddhistes, la récitation interminable du chapelet pour les chrétiens…
La répétition fait rentrer en état de transe, d'hypnose. On sait que
le son que l'on vient d'entendre est exactement le même que le précédent,
et sera identique suivant : au moins une chose à laquelle s'attendre
dans la vie ! C'est profondément stabilisateur. De plus, si l'on aime
vraiment cette musique, on se retrouve plongé dans le plaisir au présent,
au passé et au futur, le temps du morceau, du set ou de la soirée… Il
existe des boîtes musicales pour bébés exploitant ce mécanisme: elle
ne passent qu'un même son répétitivement, régulièrement, pour que l'enfant
s'y habitue et s'endorme tranquillement - NON !! Je ne suis pas en train
d'assimiler un raver à un bébé -.
La techno est une musique assez froide à première écoute, l'auditeur
ressentant beaucoup la machine, l'ordinateur, le numérique. Mais il
ne faut pas oublier que les machines ne sont pas encore créatrices !
Il y a toujours obligatoirement un certain nombre d'hommes derrière
un morceau : le créateur des disques, des sons bruts, de la matière
première, phase nécessitant à elle seule une bonne recherche d'originalité
et de nouveauté; puis vient le DJ, qui aura choisi ses disques en fonction
de son goût personnel, et qui aura un certain style dans la manière
de les harmoniser, de les "jouer", de les mixer. La facilité à faire
des sons et des rythmes n'est qu'un outil, un instrument nouveau, et
comme dans toute activité créatrice, il y a certains à qui cette facilité
ne suffit pas, et qui poussent leur machine ainsi qu'eux même jusqu'à
leurs limites, pour aboutir à un résultat travaillé et difficilement
imitable.
Elle est la représentante sonore d'une génération informatico-bio-cyber,
d'une génération qui voit le monde des jeux vidéos prendre une telle
importance, que les éditeurs se mettent à avoir plus d'argent pour faire
des recherches sur des simulateurs de vols ultraréalistes que l'armée
elle même, qui se tourne vers ces mêmes sociétés pour leurs propres
développements. D'une génération qui commence à vivre dans la réalisation
d'écrivains de science fiction de ces dernières années tels que la prolifération
des réseaux ( la Matrice… ), le clonage d'êtres vivants, les premiers
robots humanoïdes, et encore beaucoup d'autres. Il est assez rigolo
d'entendre parler à longeur de journée, aux informations télévisées,
du mot "cyber": de cybers-cafés, de cyber-école, et de savoir que ce
mot a été inventé par Willam Gibson, écrivain américain d'anticipation
: la réalité a rejoint la fiction.
Pour en conclure, la techno fait parler d'elle. Donc elle est vivante.
Doc T-Bo.